Fic traduite, elle ne m’appartient pas...La Série du Prisme
La lumière se divise en un arc-en-ciel, les couleurs de l'amour et de la perte fusionnent brièvement avant de se disperser à nouveau... Les pensées d'Angel et Cordélia, durant une année de naissance, de mort et de changement.
Titre: Bleu
Auteur: Dazzle
Traductrice: Aurélie (a.a.k)
Estimation: PG-13
Spoilers: Dans les environs de l’épisode de la saison trois d’Ats “Quitte ou double”.
Sommaire: Après son retour à Los Angeles, Cordélia essaie d’Angel avec son chagrin, de même que de gérer sa propre agitation interne. Huitième dans la Série du Prisme, qui suit le développement des sentiments de Cordy et Angel durant la saison trois.
Le symbolisme du bleu: Tristesse, froid, répression, loyauté, union, confiance, paix.
***
Je descends le couloir sombre vers la chambre d’Angel. Je lui ai donné une bonne heure pour démonter le berceau --
(-- le berceau de Connor, il ne sera plus jamais dans le berceau --)
-- mais c’est assez. Il ne devrait pas rester seul trop longtemps. Je sais que Fred et Lorne seront là, et ils ont dû bien faire, avec un bon système de soutien, juste pour empêcher Angel de s’en aller. Mais ils ne le connaissent pas comme moi. Ils ne savent pas ce dont il a besoin.
(Ils ne le connaissent pas comme moi, et ils n’ont pas réalisé ce qui se passait quand il buvait le sang, et ils n’ont pas réalisé ce que Wesley faisait, et je l’aurais su mais je n’étais pas là, je n’étais pas là, je n’étais pas là --)
Je repousse ces pensées et arrive devant le seuil d’Angel; prenant une profonde respiration, je frappe pour ce je m’attends être la première de nombreuses tentatives. Mais à la place, tout de suite, je l’entends dire, "Entrez."
Alors que j’entre, je vois que la chambre est fondamentalement inchangée. Les murs sont toujours couverts de suie et fendillé, et les restants de la cuisinière gisent en un amoncellement fripé dans ce qui avait été la cuisine. Mais le berceau est empilé en pièces détachées contre un mur. J’ai choisi le berceau avec Fred, et pendant un moment le souvenir de nous, gloussantes et joyeuses dans un K-Mart, en train de choisir des choses qu’on pensait qu’Angel aimerait, me fait presque craquer.
Angel est assis au pied de son lit ruiné. Il ne se tourne pas vers moi, il continue juste de regarder le berceau. "Je me disais," dit-il avec hésitation, "on devrait donner ces affaires. Pas tout. Je veux – une ou deux choses, je pourrais – je veux dire, quelqu’un pourrait utiliser ce berceau. Peut-être quelqu’un qui ne peut pas s’en offrir un."
"Il y a toujours les bonnes oeuvres," dis-je alors que j’arrive près de lui. Il ne me regarde toujours pas, mais quand je mets ma main sur son épaule, il la couvre avec la sienne. "On pourrait mettre des affaires dans des boîtes, peut-être. Et puis Gunn pourrait les amener avec sa camionnette."
Angel est silencieux un moment, puis dit, "Tu m’aideras à passer ses affaires en revue?"
"Bien sûr." Une partie de moi recule devant ça – ça va faire mal, peut-être plus que n’importe quel autre moment depuis que j’ai découvert ce qui est arrivé à Connor --
(Quand je suis revenue de mes vacances, avec mon chapeau stupide et mes cheveux stupides et un bronzage vraiment magnifique, parce que j’étais partie en vacances, à m’amuser, à m’envoyer en l’air et je n’étais pas là --)
-- mais Angel a besoin de moi, et donc je vais le faire. "Peut-être qu’on pourrait aussi te trouver une nouvelle chambre," suggérais-je. "Il y en a au moins vingt d’utilisables dans l’hôtel. On pourrait te trouver quelque chose sur un étage plus haut, si tu veux. Pour te donner un peu plus d’intimité."
Angel me regarde enfin, son visage confus. "Pourquoi voudrais-je déménager?"
"Je pensais – les souvenirs," dis-je.
Il expire – pas un rire, pas un soupir, mais quelque chose entre. "C’est pour ça que je veux rester ici."
Je hoche la tête, parce que je ne peux pas parler avec ce nœud dans ma gorge. Après une grosse déglutition difficile, je parviens à dire, "Hé bien, tu ne restes pas ici ce soir. Cette chambre ressemble à une briquette en charbon, Angel. Tu as besoin d’un autre endroit où dormir juste le temps qu’on puisse – qu’on puisse nettoyer tout ça."
Il ne discute pas. On fait ses bagages ensemble, travaillant en unisson, sans parler, pour rassembler les vêtements et les savons et toutes les affaires dont il a besoin, puis on descend le couloir, les bras remplis. J’installe ses affaires pendant qu’il va chercher du linge au rez-de-chaussée. Je n’ai jamais fouiné dans les placards et la salle de bain d’Angel, mais on dirait que je sais simplement comment il veut que ça soit. La mousse à raser va dans la douche, pas sur le comptoir. Les chaussures sont tournées vers le fond du placard, pas vers la porte fermée. Ce fait est si petit, si dénué de sens qu’il devrait sembler stupide. Mais ce n’est pas le cas. C’est la première chose que j’ai pu faire pour aider. Je veux dire, je sais que l’écouter a aidé, tout simplement être là pour lui. Mais ça c’est quelque chose que je peux FAIRE, quelque chose avec mes mains. Donc je prends mon temps, poser ses ceintures sur les cintres avec les pantalons, mettre sa montre sur sa table de nuit.
Quand Angel réapparaît avec les draps, on fait le lit ensemble sans rien dire, comme si on l’avait fait cent fois. Angel fait des coins d’hôpital. Je gonfle les oreillers en les installant pour lui. Je l’imagine couché là ce soir, essayant de dormir après tout ce qui s’est passé. Donc je les gonfle encore pour la bonne mesure, comme si des oreillers douillets allaient pouvoir aider.
Finalement, quand on a fini, je vais l’enlacer – mais il ne me rend pas vraiment l’étreinte, et je le lâche rapidement. Je sais sans demander que ce n’est pas moi; c’est juste qu’il vient tout juste de se calmer, donc redevenir tout émotif n’est pas pour le mieux. Tout de même, je sais à quel point j’ai envie de me sentir aimée et réconfortée, ce qu’avoir les bras de quelqu’un autour de moi pourrait signifier là tout de suite. Et Angel doit en avoir besoin un millier de fois plus que moi. Ce n’est simplement pas le moment. Je lui demande, "Ca va aller?"
"Ca va aller," répète-t-il. "Mais – merci, Cordy."
"C’est le moins que je puisse faire," dis-je, et c’est tellement vrai que j’ai envie de pleurer. Il me serre la main une fois avant que je m’en aille.
***
Je passe la porte, le corps et l’âme épuisés, ce qui doit être pourquoi j’ai oublié que Groo allait être là, à m’attendre. "Princesse!" dit-il, se levant. La maison est jolie et propre – Groo est plus soigné que moi – et je peux sentir quelque chose qui cuit. Tout est chaud et rempli de lumière, ce qui devrait être plus réconfortant que ça.
"Je suis désolée d’être aussi en retard," dis-je. "J’avais juste besoin de passer un peu plus de temps avec Angel."
Groo acquiesce. "Vous êtes une bonne amie. Cela serait bien pour lui ne pas être isolé dans ce moment sombre. Je ne peux imaginer la tristesse de savoir que son fils est mort."
"Ne dis pas mort." Cassais-je. C’est bien trop rude, sans mentionner injuste, mais je ne peux pas le supporter. "Ne le dis pas. Ok? On ne sait pas."
Groo me regarde avec précaution, et je peux imaginer toutes les choses qu’il doit avoir envie de dire. La dernière fois que Connor a été vu, il était entre les mains d’un homme qui détestait Angel plus qu’il ne détestait – ou même aimait – quoi que ce soit d’autre. Connor a été envoyé dans une dimension démoniaque. Les chances que Connor soit toujours en vie sont minimes, voire inexistantes. Et étant donné que Connor est enfermé où personne ne pourra jamais plus aller le reprendre, Angel l’a quand même perdu pour toujours. Toutes ces choses sont enveloppées dans le mot "mort," et c’est pour ça que je ne peux pas supporter de l’entendre.
Mais Groo doit le comprendre, au moins ça. Il dit seulement, "Angel est chanceux d’avoir votre amitié, ma Princesse. Venez. Vous devez avoir faim. Votre esprit cohabitant et moi-même avons fait un bon repas."
Dennis a apparemment guidé Groo vers l’Assistant Hamburger, ce qui ne va pas vraiment donner à Casa del Cordy quatre étoiles de la part de Zagat, mais ce n’est pas mal pour la première fois de Groo dans une cuisine. Cependant, ce n’est pas la première fois qu’il cuisine.
"J’ai fait griller des Bêtes Veertork sur des feux de camps," explique-t-il. "Leurs tripes peuvent être préparées en une sorte de ragoût si l’on a un chaudron à portée de main."
"Ok, tu vas totalement rester à la cuisine avec des boîtes, des mélanges cuisinés ou surgelés," dis-je. Cet Assistant Hamburger est beaucoup plus appétissant tout d’un coup.
"Je ne vous servirais pas une telle nourriture râpeuse," promet Groo. "Vous méritez bien mieux, ma Princesse."
Je lui souris, et ça fait du bien de sourire; ça fait un moment que je ne l’ai pas fait. Et pendant environs une heure, ça fait du bien de ne pas penser à Connor. De ne pas se souvenir que ça s’est passé. C’est comme si je pouvais prétendre que ça n’était pas arrivé – que tout est toujours merveilleux et formidable, et que je suis toujours cette fille insouciante qui s’amuse sur l’Ile de Catalina.
(Mais je ne le suis pas, je ne le suis pas, j’étais partie pour m’amuser et Angel était là, en train de perdre son fils et il souffrait et je n’étais pas avec lui pour l’empêcher ou pour l’aider --)
J’écoute toutes les histoires de Groo, et je ris à toutes ses blagues, et je repousse tout le reste pour simplement me concentrer sur le moment présent.
Mais ensuite, une fois la vaisselle dans l’évier, Groo me prend la main et commence à me conduire vers la chambre.
Evidemment, il veut faire l’amour. Pourquoi ne le voudrait-il pas ? Et pourquoi ne le voudrais-je pas? Plus tôt dans la soirée – quand j’étais avec Angel – je pensais à quel point ça ferait du bien d’être proche de quelqu’un. Mais pour une raison ou pour une autre, ce sentiment a disparu maintenant. A la place, ça semble mal. Pire que mal. Comme une perversion. Aller au lit avec Groo, coucher avec Groo, pendant que Connor est perdu et qu’Angel est seul --
D’un autre côté, je l’ai déjà fait, n’est-ce pas? C’est juste que je ne le savais pas à ce moment-là.
"Princesse?" La voix de Groo est douce alors qu’il m’enlace. "Je comprends votre tristesse. Si vous ne le souhaitez pas --"
"Ca va," dis-je, et je l’embrasse. J’essaie de me perdre en lui, de n’être rien d’autre qu’un corps, de ne sentir rien d’autre que ma peau.
Ca ne marche pas. Pour la toute première fois, le système breveté de déni de Cordy échoue totalement et complètement. On va au lit ensemble et, à en juger par sa réaction, Groo passe un très bon moment. Il ne voit pas non plus de différence dans ma réaction. Mais je suis juste le mouvement – déplacer ma main là, réagir quand il fait ça – et ça semble facile.
Mais je suppose que faire semblant ne fera pas de mal pour une fois. Groo est heureux alors qu’il s’endort à mes côtés, et au moins je suis assez fatiguée pour dormir.
Alors que je m’endors, je regarde le portrait qu’Angel a dessiné de moi. Le portrait porte une expression que je n’aurais plus jamais. Pour la neuf centième fois, je me demande comment il a obtenu les bords du visage aussi doux, et pour la première fois, je réalise qu’il a estompé ces lignes avec ses doigts. Il a frôlé mes contours avec ses mains, doucement et soigneusement, jusqu’à ce qu’il m’ait rendue magnifique et vraie.
***
C’est de la torture. C’est pire que de la torture. La torture ne serait que sur le corps. Des coupures dans la chair, des brûlures sur la peau – ça ne pourrait pas être pire que ça.
Angel pose les paquets de langes dans la boîte. "Je ne pense pas qu’ils voudront un paquet qui est déjà ouvert," dit-il calmement.
"Je suppose que non," dis-je. Donc le paquet de langes ouvert va dans le sac poubelle. On met des affaires de Connor dans un sac poubelle. On les jette avec les ordures.
Je ne peux pas vraiment regarder Angel, mais même avec ma tête baissée, je peux voir ses mains. Il porte un flacon de talc dans une main, une flacon de savon dans l’autre. "Ils ne voudront rien de partiellement utilisé," dit-il. Le sac poubelle frémit alors qu’ils tombent dedans.
On s’agenouille ensemble à côté de la commode et on commence à passer les vêtements en revue, à les mettre dans des boîtes. Quand je soulève chaque petit pyjama, je me souviens de quoi Connor avait l’air quand il les portait. Comment c’était d’attacher les boutons à pression, d’essayer de faire rentrer un petit bras se tortillant dans la manche minuscule. Angel bouge plus doucement maintenant; je sais qu’il pense à ce que je pense, et on n’ose pas se regarder, n’ose pas parler.
Angel sort un minuscule body – si petit que ça doit être un restant de quand Connor était un nouveau-né. Bleu pour un garçon. Il le tient pendant quelques secondes; ses mains sont si grandes, et le vêtement est si petit. Finalement, Angel dit, "Je crois que je veux garder ça."
Je hoche la tête, comme s’il m’avait demandé la permission ou quelque chose comme ça. Angel le plie très soigneusement et le place à côté de lui.
Je dois détourner le regard, et cependant il n’y a rien d’autre à regarder que le tiroir. Je sors un petit costume de marin – je l’ai acheté pour Connor. Angel avait dit que ça avait l’air ridicule. J’avais dit que ça avait l’air mignon. Vraiment, profondément en moi, je pensais que c’était mignon juste parce que c’était tellement ridicule, et je voulais voir si Angel allait céder et lui laisser le porter. Si oui, le chapeau Bourriquet était le prochain sur la liste.
Je ne le saurais jamais maintenant. Je l’ai acheté trop grand pour Connor. J’allais attendre qu’il grandisse pour le mettre. Oh, mon Dieu, il ne va jamais grandir pour le mettre. Il ne va jamais grandir --
"Cordy?"
J’essaie de répondre à Angel, pour dire que je vais bien, mais tout ce qui sort est un gémissement. Je l’étouffe, plaque ma main sur ma bouche, mais il est trop tard. Les larmes brûlent mes yeux, m’aveuglent, et je n’arrive pas à respirer parce que mon corps est bloqué en un long sanglot. Oh, mon Dieu. Connor.
Angel m’attire contre lui et, pendant un moment, tout ce que je peux faire c’est me blottir contre son torse large, sentir ses bras autour de moi, pleurer dans son étreinte. "Shhh," console Angel, et il caresse mes cheveux. On se berce d’avant en arrière, doucement, et je sens ses lèvres effleurer mon front.
Une fois le pire passé, je réalise ce qu’il se passe ici, et la honte me fait me redresser d’un coup. Angel me regarde, surpris. "Je suis désolée," murmurais-je. Ma gorge fait mal à cause des pleurs. "Tu ne devrais pas avoir à prendre soin de moi. Je suis censée prendre soin de toi."
Il prend mes mains dans les siennes. "Cordy, ça va," dit-il. "Ca aide, de voir que – qu’il manque à d’autres personnes aussi."
Et ça me fait pleurer à nouveau. Angel m’enlace à nouveau, me tapote le dos. "On va prendre soin l’un de l’autre," dit-il, et j’acquiesce alors que je l’étreins en retour.